Cité d’Athènes, 421 avant J.-C.
Aristophane, dramaturge
L’Agora ne désemplissait jamais. Tout le monde venait y faire ses courses. Les pièces volaient de bouche en main et de main en caisse, au rythme des produits achetés et vendus. Les marchands criaient leurs prix, les amis se saluaient et se donnaient des nouvelles, de temps à autre un petit garçon échappait à la surveillance de son tuteur pour venir chercher refuge derrière les étals. À quelques jours du festival des Dionysies, la place était noire de monde.
Aristophane aimait beaucoup cet endroit. Non qu’il fût particulièrement doué pour faire le marché ou tenir une maison – pour l’essentiel, il laissait cela à son majordome Epiktetos – mais l’Agora était un excellent terrain d’observation, et l’une des principales sources d’inspiration des pièces qu’il écrivait. Les gens savaient qu’Aristophane les observait. Cela ne les dérangeait pas. Pour beaucoup, c’était devenu un sujet de plaisanterie.
« Si Aristophane te voit, tu vas finir dans sa prochaine comédie ! »
Sosinos, le vendeur de gâteaux au miel, le salua chaleureusement depuis son étal.
— Alors Aristophane, où est-ce que j’apparais, dans ta prochaine pièce ?
— Aucun acteur n’est assez beau pour jouer ton rôle, Sosinos.
Le marchand éclata de rire, comme à son habitude. L’étal de Sosinos était plutôt bien fourni en gâteaux ce jour-là, ce qui était assez rare pour être noté. Au bout de dix ans de guerre, sans aucun espoir de paix en vue, les stocks en tout genre étaient au plus bas. Les gâteaux au miel de Sosinos restaient l’une des rares douceurs encore disponibles en ville.
— Ça fait quelques jours qu’on ne t’a pas vu. Tu es en répétition ?
Aristophane hocha la tête.
— Ça se passe bien ?
Aristophane fit la grimace, et demanda à Sosinos s’il pariait toujours.
— Tout le temps.
— Alors, mise sur la concurrence. Ma pièce est un désastre.
— Aristophane, je suis sûr que tu exagères.
— Pas du tout. J’ai plus de chances de voir la déesse Athéna débarquer au marché les bras chargés de gâteaux au miel que de remporter le premier prix cette année.
Brémusa, amazone
Brémusa se tenait en retrait pendant que la déesse Athéna discutait avec la déesse Héra. Brémusa avait beau être arrivée sur le mont Olympe presque huit cents ans plus tôt, elle sentait bien qu’Héra ne l’avait pas encore réellement acceptée. Peut-être parce que Brémusa était une amazone. Ou encore, parce qu’Héra n’aimait guère les nouveaux venus. Héra n’aimait pas grand-monde.
— Il paraît que tu as parlé à Hélios.
La voix d’Héra était teintée de cette légère nuance de désapprobation que connaissaient bien les résidents de l’Olympe.
Athéna eut un large sourire. Héra ne l’avait jamais intimidée.
— C’est exact. Je lui ai demandé de produire du beau temps pour les Dionysies.
— Tiens donc. Personnellement, je n’ai jamais réussi à m’intéresser à ce festival. Tu me diras, je n’ai jamais réussi à m’intéresser à Athènes tout court.
Extraits
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