#Roman francophone

Le Dossier M Tome 1 : Après et pendant l'amour

Grégoire Bouillier

M comme une histoire d'amour. Mais quand on a dit ça, on n'a rien dit. Ou alors, il faut tout dire.

Par Grégoire Bouillier
Chez Flammarion

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Editeur

Flammarion

Genre

Littérature française

Le Dossier M

Livre 1

 

 

À qui veut bien

 

 

« Je pars d'un point et je vais jusqu'au bout. »

JOHN COLTRANE

 

 

Livre 1

Après et pendant

Prologue

Il s'appelait Carlos. Carlos Casagemas. Je peux dire son nom. L'histoire est connue.

Carlos était espagnol, il était peintre, il était l'ami de Picasso – qui n'était pas encore Picasso à l'époque. Tous deux partageaient un atelier à Barcelone ; ils n'avaient pas vingt ans lorsqu'ils décidèrent d'aller à Londres, en passant par Paris ; c'est Carlos qui finança en grande partie le voyage ; ils n'allèrent pas plus loin que Montmartre. Cela se passait en 1900.

Installés au Bateau-Lavoir, Odette et Germaine étaient leurs voisines. Pablo sortit avec Odette ; Carlos tomba amoureux de Germaine. Née Laure Gargallo, celle-ci était devenue Germaine Florentin après s'être mariée lorsqu'elle était mineure. Mais pourquoi avoir changé aussi de prénom ? Qu'était-il arrivé à Laure ? Et au sieur Florentin ? Mystère. Germaine conserva son « nom de guerre » et s'inventa la vie qui allait avec. Laure avait disparu et on n'entendit plus parler d'elle.

Germaine était blanchisseuse et couturière ; sinon, elle était danseuse au Moulin Rouge et posait nue pour les peintres, dont Pablo et Carlos. Jolie, le visage effronté, la taille fine et la poitrine avenante, elle avait de grands yeux, la bouche charnelle, des joues enfantines et une chevelure épaisse et bohème qui donnait l'impression qu'elle sortait tout le temps d'un lit, avec quelque chose de sombre et de sauvage dans le regard, d'animal. Muse, modèle et amante, Germaine ne semblait pas farouche tout en en ayant l'air. C'est ce que suggère une photo qui la montre, vêtue d'une robe noire ajourant sa gorge, regardant bien en face l'objectif, de trois quarts assise sur une pelisse dans laquelle ses doigts s'entortillent de façon presque équivoque, en plus de suggérer le froid qui pouvait régner dans l'atelier. Carlos prit-il cette photo ? Pablo ? Nul ne le sait. Dommage.

Carlos s'éprit de Germaine comme un homme désire de toutes ses forces son malheur et trouve la femme idéale pour mener à bien son projet : il était impuissant. Il souffrait de dysfonction érectile, dirait-on aujourd'hui. Était-ce physiologiquement rédhibitoire ou la vérité de son désir lui échappait-elle encore ? Aimait-il Germaine plus platoniquement qu'il ne le croyait ? Souffrait-il d'anxiété anticipatrice, comme parfois les jeunes gens, d'autant plus devant une femme qui en valait deux ?

Car Germaine n'était pas du genre à faire du sentiment sans y mêler le sexe. La frustration n'était pas son fort et qu'un homme ne soit pas à la hauteur la dépitait franchement. La barbait sitôt. La rendait nerveuse, moins certaine de sa féminité si celle-ci dépendait du désir des hommes. Qu'avait-elle à faire d'un amant s'il était un enfant ? S'il ne pouvait la prendre et la faire jouir, ni elle le tenir par les couilles ? Voici qu'elle se sentait peut-être désarmée, rejetée, humiliée. Voici que son corps n'avait plus aucun pouvoir à exercer ni sensations à éprouver – nul moyen de subsistance.

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16/08/2017 880 pages 24,50 €
Scannez le code barre 9782081414433
9782081414433
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