Avant que ne s’achève la grande valse des prix, le juré du prix Médicis a choisi sa lauréate. C’est Nathalie Azoulai qui remporte le prix Medicis, pour son livre Titus n’aimait pas Bérénice. Un livre qui se présenterait plus comme une vie de Racine, qu’un simple roman d’amour. Au point qu'on aurait pu lui décerner le Médée-cis. On pourra découvrir son texte à la maison de la poésie, ce 2 décembre, lors d’une lecture par Marie-Sophie Ferdane.
Le 06/11/2015 à 07:49 par Nicolas Gary
Publié le :
06/11/2015 à 07:49
Nathalie Azoulai raconte l’allégeance du dramaturge au jansénisme et au pouvoir royal, et dans le même temps, l’histoire de sa langue si faussement lumineuse, si pleine d’opacités. « Comprendre de quoi elle s’est nourrie, ce qu’elle a gardé de la convention, ce qu’elle en a jeté, ce qu’elle a inventé. La chronologie est linéaire, elle suit les pas de Racine dans l’écriture et dans le monde, une pièce après l’autre, en choisissant de placer au centre de ce parcours cette fameuse tragédie où il entend “faire quelque chose à partir de rien”. » Le même défi qu’avait renouvelé Flaubert en son temps.
Titus n’aimait pas Bérénice alors que Bérénice pensait qu’il l’aimait. Titus n’aimait pas Bérénice alors que tout le monde a toujours pensé qu’il n’avait pas le choix et qu’il la quittait contre sa propre volonté. Titus est empereur de Rome, Bérénice, reine de Palestine. Ils vivent et s’aiment au Ier siècle après Jésus-Christ.
Racine, entre autres, raconte leur histoire au XVIIe siècle. Mais cette histoire est actuelle : Titus quitte Bérénice dans un café. Dans les jours qui suivent, Bérénice décide de revenir à la source, de lire tout Racine, de chercher à comprendre ce qu’il a été, un janséniste, un bourgeois, un courtisan.
Comment un homme comme lui a-t-il pu écrire une histoire comme ça ? Entre Port-Royal et Versailles, Racine devient le partenaire d’une convalescence où affleure la seule vérité qui vaille : si Titus la quitte, c’est qu’il ne l’aime pas comme elle l’aime. Mais c’est très long et très compliqué d’en arriver à une conclusion aussi simple.
Titus n’aimait pas Bérénice, c’est une façon de rationaliser le chagrin d’amour, de dire que Bérénice a raison d’être aussi atteinte en comprenant que Titus ne l’aime pas autant qu’elle l’aime, et d’arrêter de penser que Titus l’a quittée contre sa volonté. Il l’a quittée parce qu’il ne l’aimait pas, pas assez. C’est une façon de statuer et de conclure bien que la pièce de Racine reste ouverte à toutes les lectures possibles. C’est une manière d’imaginer une élégie moderne, ce verbe qui pleure, qui s’écoule vers le bas pour dire le manque, l’erreur et la déception, le temps que dure le chagrin.
Racine avait fait de cette rupture entre l’empereur et la reine juive l’histoire symbolique d’une tragédie du sacrifice, celle qui les contient tous, et s’impose aux hommes pour les contraindre à grandir. Rome face à l’Orient, et la tradition romaine devant l’amour : qu’est-ce qu’il ne faut pas subir pour devenir héroïque !
Découvrir un extrait de Titus n'aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai
Notons que le livre avait déjà été primé d’un accessit, remis par le jury du prix Virilo : « L’accessit “Robert Hossein” de l’adaptation historique qui va mal vieillir est attribué à Nathalie AZOULAI pour Titus n’aimait pas Bérénice. »
Commenter cet article