à la mémoire de M. G.
There sat down, once, a thing on Henry’s heart
só heavy, if he had a hundred years
& more, & weeping, sleepless, in all them time
Henry could not make good.
Starts again always in Henry’s ears
the little cough somewhere, an odour, a chime.
And there is another thing he has in mind
like a grave Sienese face a thousand years
would fail to blur the still profiled reproach of. Ghastly, with open eyes, he attends, blind.
All the bells say: too late. This is not for tears; thinking.
But never did Henry as he thought he did,
end anyone and hacks her body up
and hide the pieces, where they may be found.
He knows: he went over everyone, & nobody’s missing.
Often he reckons, in the dawn, them up.
Nobody is ever missing.
John Berryman,
“Dream Song 29”.
1
Ça se peut qu’il y ait dans ce monde des gens qui sachent lire dans les pensées des autres sans le vouloir, et si des gens comme ça existent, alors je suis à peu près sûre que mon mari est l’un d’entre eux. J’y pense à cause de ce qui s’est passé pendant la semaine où je savais que j’allais partir bientôt, mais pas lui ; je savais qu’il fallait que je lui parle, mais j’échouais à imaginer un moyen de forcer ma bouche à formuler les mots, et comme mon mari peut, sans le vouloir, lire dans les pensées, il a bu beaucoup plus que d’habitude cette semaine-là, surtout des bonbonnes de gin, mais aussi des grandes bières de la supérette. Il entrait dans une pièce, sirotant sa canette cachée dans un sac en papier, tout sourire, comme si c’était une blague.
Je me mettais à rire.
Il se mettait à rire.
À l’intérieur de notre rigolade, on ne riait pas vraiment.
Le matin de mon départ, il est sorti du lit, s’est habillé, a quitté la chambre. Je suis restée complètement réveillée sous mes paupières verrouillées jusqu’à ce que j’entende la porte d’entrée se refermer. J’ai quitté l’appartement à midi avec mon sac à dos et je me suis sentie tellement mal, tellement bizarre, qu’au lieu de descendre dans le métro je suis entrée dans un bar. J’ai commandé un double bourbon même si je n’ai pas l’habitude de boire comme ça et le barman m’a demandé d’où je venais et j’ai répondu d’Allemagne, sans raison, ou peut-être pour qu’il n’essaie pas de me parler, ou peut-être parce que j’avais besoin de vivre dans une autre histoire pendant une demi-heure : j’étais une Allemande solitaire, venue voir la Statue von la Liberté et le Square von le Temps et le Park von Central (pas une femme prenant un aller simple pour un pays où elle ne connaissait qu’une seule personne, qui lui avait un jour vaguement offert de profiter de sa chambre d’amis, le genre d’offre, quand elle y repensait, qu’on fait quand on sait qu’elle ne sera pas prise au mot, mais il était trop tard, car ça y était, je la prenais, et voilà voilà voilà).
Un homme s’est installé sur le tabouret d’à côté malgré la longue rangée de tabourets vides, a commandé un jus de canneberge avec rien.
Extraits
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