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Lecture 9-12 ans
Un mot du malfaisant
Allume une bougie et approche-toi du miroir. Le temps presse.
À une autre époque, dans un autre monde, je n’aurais pas daigné t’accorder un regard. Cependant, même moi, je ne puis briser les termes de notre contrat. Si tu es assez déraisonnable pour continuer, écoute bien ces trois avertissements et grave-les dans ta mémoire. Ils pourraient, un jour, te sauver la vie, humain. Le choix t’appartient d’y prêter attention ou de les ignorer. J’ai peu de patience avec les sots.
En premier lieu, tu ne dois jamais faire confiance aux Redding. Ils te susurreront leurs mensonges et imploreront grâce, jusqu’à ce que leurs langues frétillantes n’en puissent plus. Ne leur cède jamais. Bouche-toi les oreilles, couvre-toi les yeux, et ne te laisse pas atteindre par leur lâche puanteur. Ce sont des humains qui ont rompu un contrat écrit avec leur sang dès qu’ils ont craint pour leur fortune. La folie est une tradition chez eux. Ils ne sont pas ta famille.
Écoute-moi bien, car la lumière faiblit et notre heure approche. Les Redding te diront qu’ils ont été lésés et calomniés. Ils te diront que je suis un menteur, un tricheur et un scélérat. Mais n’oublie pas que, même lorsque je dors, ils me craignent. Comme tu le devrais aussi, humain.
Le deuxième avertissement est que la vengeance est une tradition chez moi.
Quant au troisième, sache que je me délecterai à te reprendre tout ce que je te donne.
Et tout, dans le cas des Redding, c’est absolument tout.
1
Le jour de la fête du Fondateur
Regardez.
À l’échelle de la Terre, la ville de Redhood n’est qu’un grain de poussière. Inutile de sortir une carte, elle n’y figure pas. Aucun procès de sorcière ne s’y est déroulé, aucune révolution n’y a éclaté, et c’est à environ trois cent vingt kilomètres de là que les Pères pèlerins ont débarqué sur leur rocher1. Et pour la plupart des gens, Redhood n’a d’autre intérêt que la famille qui l’a fondée.
Mais peut-être trouverez-vous intéressant d’apprendre que nous-mêmes, les Redding, ne présentons aucun intérêt. Il est vrai que mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand… a failli signer la Déclaration d’indépendance, mais il en a été empêché par un mal de gorge qui l’a tué en deux jours. Un mal de gorge. Y a-t-il plus nulle comme façon de mourir ? Je ne pense pas qu’il mérite un bon point pour avoir presque signé la Déclaration. C’est comme si je disais à mes parents que j’ai presque eu zéro faute à mon contrôle de maths – après tout, il n’y a que trois notes de différence entre un D et un A.
Ma famille vit ici depuis toujours et ne paraît pas près d’en partir. Chez nous, au Cottage, les murs sont recouverts de portraits d’ancêtres à la mine renfrognée, vêtus de manteaux noirs et de bonnets. On dirait les personnages d’une mauvaise pièce de Thanksgiving. Juste en dessous, il y a les photos d’une petite douzaine de généraux quatre étoiles, de membres éminents du Congrès2 et de P.-D.G.
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