#Roman francophone

Le Pianiste blessé

Maria Ernestam

Veronica et Marieke sont amies depuis toutes petites. L'une est charismatique, l'autre dans l'ombre, les deux fascinées par tante Klara et sa liberté. Elles partent sur les traces de celle-ci, de la Malaisie à San Francisco. Lorsqu'elles rencontrent James, un énigmatique pianiste de bar, les équilibres vacillent. Quel genre de trio peut devenir leur duo ? Un roman envoûtant sur les fantômes de l'enfance, les secrets et les rêves.

Par Maria Ernestam
Chez Actes Sud Editions

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Genre

Littérature scandinave

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Chapitre 1

2014

 

 

Veronica,

Je crois que j’ai revu James, aujourd’hui.

Je commence ainsi pour que tu continues à lire. Tu n’as jamais répondu quand j’ai essayé de te joindre. J’ai fini par comprendre que c’était peine perdue. Nous n’avons eu aucun contact depuis très longtemps et j’ai du mal à trouver les mots justes. Ces premières lignes à elles seules m’ont déjà pris une demi-heure.

Mais je peux te dire comment j’ai obtenu ton adresse e-mail. J’ai appelé Jonte. Il a été très surpris de m’avoir au bout du fil, bien sûr. La vieille copine de maman, comme il a dit.

Il s’est montré aussi agréable qu’autrefois. J’en ai déduit que tu ne lui avais rien raconté. Je m’en suis tenue le plus possible à la vérité, disant que nous nous étions perdues de vue, toi et moi, et qu’en plus j’avais égaré pas mal d’anciennes adresses. Il a été coopératif et m’a appris que tu étais bien en Suède actuellement. Quelle coïncidence ! Enfin, je suppose que tu es parfois chez toi, même si tu gardes le silence.

J’ai tant de choses à t’écrire et il y en a tant que je voudrais savoir. Comment tu vas, à quoi ressemble ta vie. J’en sais si peu. Rien, en fait. Tu me manques. J’aimerais que tout redevienne comme avant, mais c’est stupide, on ne peut pas revenir en arrière. Aujourd’hui encore moins, car je crois vraiment que j’ai revu James.

Voilà pourquoi je t’écris.

L’homme était assis, adossé au mur d’une maison. Il m’a interpellée. Il portait un gilet jaune fluo sur un bleu de travail. De grosses chaussures montantes. Il avait un nez pointu, des lèvres fines. Des paupières un peu tombantes. D’emblée, j’ai pensé que c’était James, et l’espace d’un instant, cela m’a semblé couler de source.

Je me suis arrêtée. Il voulait savoir s’il était bien dans la Vieille Ville. J’avais sans doute l’air très troublée, parce qu’il a répété : « Is this the Old Town ? » J’ai répondu en anglais qu’en effet, cet endroit était bien Gamla stan, la Vieille Ville, puis j’ai commencé à débiter n’importe quoi sur les maisons autour de nous, tout en l’observant pour savoir s’il s’agissait réellement de James. Les mêmes yeux, la même façon de se tenir, les cheveux bruns, raides. Je n’ai pas bien vu ses mains.

Quand je lui ai demandé d’où il venait, il a répondu : « D’Irlande », et là, j’ai entendu son accent. J’ai tout de suite compris que ce n’était pas James, mais probablement un ouvrier du bâtiment esseulé.

Puis tout est remonté avec une intensité épouvantable.

Dix ans qu’on ne s’est pas vues, toi et moi. Peut-être huit que j’ai cessé de t’écrire. Il s’en est passé des choses depuis, je ne sais pas si cela t’intéresse. Enfin, pour faire court, je suis propriétaire d’une petite librairie dans Gamla stan, près de la placette Brända tomten, où je vends des livres neufs et d’occasion. Je l’ai achetée juste après mon divorce d’avec Calle. J’apprécie le contact avec les clients et la possibilité d’exercer une activité qui ait du sens. Et puis Calle et moi sommes restés en bons termes.

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trad. Anne Karila
07/06/2023 411 pages 9,90 €
Scannez le code barre 9782330179014
9782330179014
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