À mes enfants
J’ai toujours eu ce rêve
Que l’histoire que je construis chaque jour avec vous soit un tremplin dans votre quête de bonheur
Merci de m’avoir choisie.
Ton souffle danse dans mon cœur, danse dans mes reins
Scande les mouvements qui m’emportent au loin
Il m’unit à toi d’un fil frêle, délicat
Il vient me dire sois libre et ne pars pas
Sous mes mains il y aura le calme et la joie
Et puis dans tes yeux, quelqu’un qui croit
Prologue
En silence, je vide mes poumons pour faire place à la vie. J’inspire, je retiens mon souffle et je pousse. J’entends les cris « plus fort, encore, encore ». Je garde les yeux fermés. Je ne veux pas les voir, je dois rester toute proche de lui. Je pousse longtemps, l’oxygène se tarit. Il n’y a plus un soupçon d’air sain en moi quand finalement j’ouvre la bouche pour respirer. Je pense aux prochaines minutes, à cette rencontre que j’ai tant de fois imaginée. Si je suis allongée ici aujourd’hui, c’est sans doute par chance. Rien ne m’y prédestinait. Les contractions reprennent. J’inspire profondément car je veux le rencontrer cet enfant. Je pousse et l’on s’agite autour de moi. Une tête passe. On m’encourage à soutenir l’effort. Est-ce que je souhaite saisir mon enfant moi-même ? L’attraper pour être pour toujours les premières mains qui le touchent ? Je ne sais pas. L’émotion comme l’air vient gonfler mes poumons. Une seule question m’habite en réalité : comment devient-on mère quand on n’a pas été enfant ? Je me sens vide, aucun héritage à transmettre. On me presse de décider. Est-ce que je veux le tirer hors de mon ventre ? Je ne suis pas prête. Tout mon corps dit non et a retenu le plus longtemps possible celui à naître.
Comment devient-on mère quand on n’a pas été enfant ? Je tente de me rassurer, je me rappelle une phrase. Il y a des jours où on aime et d’autres où on apprend à aimer. Si la nature ne fait pas son œuvre et que mon cœur reste froid, j’apprendrai. En un éclair, je m’imagine responsable de ce petit être. Je panique. J’ai peur qu’on compte sur moi. L’angoisse recouvre ma poitrine comme une chape de plomb. Je n’ai pas le temps de m’en dégager qu’il est déjà là, naissant d’une mère bien imparfaite. Je touche sa peau chaude et huileuse et l’attrape là, juste sous les bras. Je le sens s’échapper, glisser de mes mains. Je crie que j’ai peur de le lâcher. Dans un ultime effort, je l’attire à moi et lui donne vie. On le dispose tout gigotant et humide près de mon sein. Il est rose mais ne pleure pas. Dans son regard sérieux, je reprends mon souffle et je commence à vivre moi aussi. Il ne fait pas de bruit. On le prend quelques minutes pour le laver et l’examiner. Il est en parfaite santé. Je regarde ces mains étrangères qui le langent habilement. Une voix m’explique qu’il est mieux dans les bras de sa mère. Je me redresse dans le lit et tente de remettre en place les quelques tissus qui couvrent encore mon corps.
Extraits
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