#Imaginaire

Zendegi

Greg Egan

En 2012, le journaliste Marin Seymour effectue un séjour en Iran afin de couvrir une élection parlementaire. Manoeuvres du gouvernement et intimidations font de cet événement le non-événement politique attendu. Jusqu'à ce que commence à circuler sur le Net une image d'un membre du gouvernement, prise sur une téléphone portable, et qui va provoquer un séisme politique. Nasim Golestani est une jeune scientifique iranienne vivant en exil aux Etats-Unis. Elle ambitionne de travailler sur le Human Connectome Project - un projet qui tente de cartographier les connexions neuronales du cerveau humain. Mais les subsides gouvernementales sont coupées et le HCP risque d'être abandonné. Ainsi, quand l'opportunité de regagner son pays se présente, Nasim Golestani choisit de retourner en Iran. Quinze ans plus tard, Martin vit en Iran avec sa femme et son jeune fils, tandis que Nasim dirige Zendegi, un univers virtuel utilisé par des millions de gens, aussi bien pour le travail que pour se divertir. Mais lorsque Zendegi est menacé par des concurrents puissants, Nasim entreprend de créer un programme susceptible d'enrichir l'univers virtuel de Zendegi de manière inédite et insoupçonnée, un programme basé sur la cartographie incomplète du réseau électrique irriguant le cerveau humain et qui confère aux personnages virtuels de Zendegi une autonomie stupéfiante. Alors que la controverse grandit à l'égard de la nature et des droits de ces créations logicielles, la tragédie s'abat sur la famille de Martin. Le journaliste se retourne vers Nasim en quête d'une solution que personne d'autre ne peut lui offrir, mais Zendegi est en train de se transformer en champ de bataille.

Par Greg Egan
Chez Belial'

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Editeur

Belial'

Genre

Science-fiction

1.

Martin fixait d'un regard soucieux les quatre caisses de vinyles dans l'angle du salon. Deux enceintes, une platine et un ampli étaient posés par terre à côté, leurs câbles drapés de moutons ; il avait vendu le meuble hifi trois semaines plus tôt. Les disques pesaient beaucoup trop lourd pour qu'il les prenne sur le vol pour l'Iran et il ne leur donnait guère de chances s'il les expédiait par voie de surface. Il avait bien envisagé de les entreposer, comme pendant son séjour au Pakistan, mais après un mois passé à vendre son mobilier et à jeter son fourbi, il voulait terminer le processus : atteindre le point où il pourrait décoller de Sydney sans emporter de clé, ni rien laisser derrière lui.

Il s'accroupit près des caisses pour effectuer un comptage rapide. Deux cent quarante albums. Leur substituer des téléchargements coûterait plus de deux mille dollars. Ça lui paraissait exorbitant pour en rester au statu quo, à quelques rayures et crissements près. Il pouvait se contenter de remplacer ses préférés, mais il trimballait ces caisses depuis des décennies sans rien y retrancher. Elles relevaient de son histoire personnelle – un journal rédigé en listes de titres et en notes de pochette, qui comprenait bon nombre de choix gênants mais qu'il ne voulait ni oublier ni renier. Réduire sa collection se serait apparenté à du révisionnisme ; il savait qu'il ne dépenserait plus jamais un rond sur Devo, les Residents ou les Virgin Prunes, mais il refusait d'arracher des pages à son journal pour prétendre qu'il n'avait, durant sa jeunesse, fréquenté que des cadors comme Elvis Costello et les Smiths. Plus obscur, douteux, voire honteux serait l'album, et plus Martin y perdrait en l'excisant de son passé.

Sachant ce qu'il avait à faire, il se maudit de ne pas s'être lancé plus tôt. Normalement, il aurait retourné le web afin de déterminer les pours et les contres des diverses méthodes, puis passé une semaine sur les choix disponibles, mais là, il manquait de temps. Ces quatre caisses contenaient près de sept jours de musique en continu et il décollait dans une quinzaine. Ça n'avait rien d'impossible, mais ce serait juste.

Il sortit de l'appartement et alla frapper deux portes plus loin dans le couloir.

« J'arrive ! » lança Alice d'une voix ronchonne. Trente secondes plus tard, elle lui ouvrait, coiffée d'un chapeau à large bord, comme si elle se disposait à braver le soleil de l'après-midi.

« Salut, je ne te dérange pas ?

— Non, non. Entre. »

Elle le précéda au salon et lui désigna un siège. « Café ? »

Il secoua la tête. « Je ne te retiendrai pas longtemps. Il me faut juste un conseil. Je vais sauter le pas et transférer mes vinyles sur l'ordi… »

Elle marmonna une réponse dans laquelle Martin comprit « audace ».

« Pardon ? demanda-t-il.

— Télécharge Audacity, c'est le meilleur logiciel. Branche le préampli de ta platine sur ta carte son, enregistre ce que tu veux, sauvegarde-le en fichiers WAV. Pour diviser tes faces d'album en pistes séparées, il faut procéder manuellement, mais c'est facile. » Elle prit un bloc sur la table basse pour gribouiller quelques lignes sur un feuillet qu'elle arracha et lui tendit. « Utilise ces options-là, tu te simplifieras la vie si tu décides de tout graver sur CD par la suite.

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trad. Pierre-Paul Durastanti
15/03/2012 400 pages 23,00 €
Scannez le code barre 9782843441103
9782843441103
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