« Mon Dieu protégez-nous, nous régnons trop jeunes. » C’est par ces quelques mots que commence le règne de Louis XVI (20 ans) et de Marie-Antoinette (19 ans). Le 10 mai 1774, Louis XV vient de mourir de la variole. Le roi est mort, vive le roi ! Or, le mariage de Louis XVI et de Marie-Antoinette d’Autriche a été négocié bien des années plus tôt ; est-il nécessaire de rappeler que cela ne fait que quelques décennies que l’on peut, en France, épouser qui l’on veut ? Le 19 avril 1770, le mariage de deux enfants est célébré par procuration. À Vienne, c’est l’un des frères de Marie-Antoinette qui tient le rôle de l’époux. Mariage hyper glamour d’une jeune princesse qui court vers son destin tragique
.
© Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) Christophe Fouin Un jour avec Marie Antoinette
Les éditions Flammarion viennent de publier, avec le Château de Versailles, un magnifique coffret dont la couverture et le titre sont déjà une invitation à l’émerveillement, Un Jour avec Marie-Antoinette. Hélène Delalex, attachée de conservation du patrimoine au Château de Versailles, en charge de la Galerie des Carrosses royaux et historienne de l’art, nous fait découvrir, grâce à une riche iconographie et des photographies inédites, une femme « enchantée de la vie », comme la dépeindra Chateaubriand.
Marie-Antoinette naît le 2 novembre 1755 à Vienne. Elle est « le quinzième enfant de l’empereur François Ier du Saint-Empire romain et de Marie-Thérèse d’Autriche. » Elle a une enfance heureuse, à la limite de l’insouciance. Enfant pleine de vie, elle préfère de loin s’amuser aux études. Ce n’est qu’une fois les négociations pour le mariage bien entamées que sa mère, Marie-Thérèse, surveillera de plus près l’éducation de sa fougueuse fille.
Direction Versailles, la royauté marque la fin de l'insouciance
Le 21 avril 1770, âgée de quatorze ans, Marie-Antoinette prend le chemin de la France, rencontre son mari à Compiègne le 14 mai et arrive à Versailles le 16. L’âge de l’insouciance est révolu.
La rencontre avec Louis XVI est assez froide, il est âgé de quelques mois de plus qu’elle, mais la comparaison s’arrête là. Il est d’une timidité maladive et ne ressemble en rien à ses aïeux concernant son goût pour les femmes. Cette jeune fille, vive, souriante, délicate, est mariée à un homme gauche plus attiré par les attraits de la mécanique – on le sait passionné par la serrurerie – que par les attraits de la « chaire ».
Le couple mettra sept ans avant de consommer son mariage, au grand dam de Marie-Thérèse d’Autriche, qui sait bien que la légitimité d’une reine n’est assise que lorsqu’elle a donné un héritier à la couronne. Il faudra l’intervention du frère de Marie-Antoinette, l’empereur Joseph II, pour désamorcer cette situation et suggérer à Louis XVI de se faire opérer, car ce dernier semblait souffrir d’une malformation génitale. Mais notons tout de même que cela ne semble pas être une excellente excuse, attendre sept ans pour se décider à se faire opérer montre bien le peu de désir charnel éprouvé par le roi…
Quoi qu’il en soit, à l’été 1778 Marie-Antoinette s’adresse au roi en disant : « Je viens, Sire, me plaindre d’un de vos sujets assez audacieux pour me donner des coups de pied dans le ventre. » Avant d’être une mère, Marie-Antoinette, on peut le comprendre, n’est pas ce que l’on pourrait appeler une épouse épanouie. Qu’à cela ne tienne, d’un caractère enjoué et libre, cela ne suffira pas à la rendre morose.
Si elle n’a pas droit à la parole concernant les questions politiques, et très certainement à raison, elle brille cependant par son bon goût dans les domaines de la décoration, de la mode, des divertissements, etc.
Les mille vies du palais
Et c’est en quoi ce livre est un réel ravissement pour les yeux, car il met en images et en lumière le don de la reine Marie-Antoinette pour rendre tout ce qu’elle touche élégant. Vous y trouverez de nombreuses reproductions de gravures, estampes aquarellées, peintures et photos actuelles qui, toutes, mettent en avant le raffinement lié à cette époque et plus encore lié à cette femme.
On y découvre le Petit Appartement de la Reine recouvert d’un magnifique taffetas vert (p.63) ; le délicat cabinet de la Méridienne (p.66), espace plus intime. Que cela soit à Versailles ou à Fontainebleau, la Reine « dont on connaît le goût incessant pour la mode, ordonne pour ses cabinets privés mille et un nouveaux agencements pour lesquels il n’y a pas de limite de budget, et encore moins de délais. »
Si Louis XIV a fait construire le Château de Versailles, Marie-Antoinette, elle, a laissé son emprunte sur toute une partie du parc royal, là où sont situés le Petit Trianon et le Hameau de la Reine.
Le Petit Trianon est à l’image de celle-ci, gracieux et raffiné. Véritable hymne à la nature, Marie-Antoine aime à s’y retrouver avec ses amis, tous aussi jeunes qu’elle. Le cérémonial y est allégé, elle s’y sent femme, elle s’y sent libre. De magnifiques fêtes y sont données qui rivalisent avec celles du temps du Roi-Soleil et dont le tableau de Claude-Louis Châtelet, Fête donnée par la reine dans les jardins du Petit Trianon, nous donne matière à imagination et à évasion (p. 109).
Non loin de là, c’est une tout autre ambiance que l’on découvre. « Le goût pour la vie champêtre devient une mode dans le dernier tiers du XVIIIe siècle », après avoir visité le hameau du château de Chantilly, Marie-Antoinette veut le sien et charge l’architecte Mique de s’en occuper. Sortent de terre onze petites maisons autour d’un lac artificiel. Certaines, cinq, sont réservées à la Reine et à son entourage, les autres sont des maisons paysannes qui vont nourrir les convives et alimenter, parfois même les cuisines, du château. Un peu à l’écart est la Ferme Royale où se trouve poules, vaches, chèvres, moutons, lapins, etc.
Le Hameau de la Reine est un havre de paix où l’on se plaît à croire que l’on vit simplement, on y est habillée de robes dépouillées d’artifices et coiffée de chapeaux de paille piqués de fleurs des champs… bien loin des robes de cour garnies de bijoux et des coiffures extravagantes appelées « poufs » qui pouvaient atteindre jusqu’à près d’un mètre de haut !
Marie-Antoinette d’Autriche, Reine de France semble double. Quand on pense à cette femme on pense soit à la frivolité soit à la reine prisonnière et décapitée sur l’autel de la patrie.
Ce coffret met surtout en évidence que c’était une femme en avance sur son temps, une femme éprise de liberté que l’on pourrait comparer à deux autres symboles féminins, Élisabeth d’Autriche dite Sissi et la princesse Diana dite Lady Di. Toutes ont payé un lourd tribut lié à leur « indiscipline ».
On a reproché à Marie-Antoinette son inconvenance (elle osait monter à cheval à califourchon), son implication dans l’organisation des fêtes au château ou à Trianon, ses dépenses, son penchant pour Axel de Fersen. Rien que Louis XIV ou Louis XV n’aient déjà fait… mais ils étaient des hommes !
Marie-Antoinette est, depuis sa mort, devenue une icône. De Balzac à Sofia Coppola, de Christian Dior à Madona, tous ont rendu hommage à la grâce de celle qui est, sans nul doute possible, à l’origine de l’élégance à la française.
Commenter cet article