Livres jetés, auteurs lésés, plainte déposée : l'étrange cas Sydney Laurent
En liquidation judiciaire depuis le mois de mars 2023, les éditions Sydney Laurent laissent un souvenir amer à des centaines d'écrivains. Pratiquant l'édition à compte d'auteur, la société proposait des forfaits payants pour assurer mise en page, relecture et impression des livres. Dotée d'une librairie à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes), elle a aussi fait naitre un litige entre des associés...
Le 06/03/2024 à 10:50 par Antoine Oury
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06/03/2024 à 10:50
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Publier son livre ? Rien de plus simple ! Une rapide requête sur un moteur de recherche suffit pour s'en convaincre : des dizaines de « maisons d'édition » sont en demande active de manuscrits, et promettent d'en faire un succès fulgurant en quelques mois. Pour ce faire, l'auteur est invité à faire parvenir son texte, mais aussi à régler un certain montant, de quelques dizaines à plusieurs centaines d'euros, afin d'assurer la relecture, la mise en page et la commercialisation de son oeuvre.
Ce système, l'édition « à compte d'auteur », constitue le fond de commerce de plusieurs sociétés, qui s'octroient par ailleurs une période d'exclusivité sur les œuvres, comme les éditions Sydney Laurent. Dans le meilleur des cas, les auteurs paient pour un service de réalisation et de commercialisation de leurs ouvrages, puis touchent un pourcentage sur les ventes. Mais, parfois, la réalité est un peu différente...
60 tonnes à la benne
En mars 2023, la liquidation judiciaire des éditions Sydney Laurent est prononcée, avec deux mandats liés : les éditions Saint-Honoré, une société jumelle, et SL Promotion, dont les activités étaient centrées sur « la promotion des auteurs » des deux autres structures.
Les éditions Sydney Laurent avaient ouvert en grande pompe une immense librairie, en février 2022, à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes). Sur 1300 m2, le fondateur des éditions Sydney Laurent, Marc-Henry Solange, revendiquait quelque 38.000 références... Et notamment des ouvrages publiés par sa structure.
L'ambition ne s'arrêtait pas là : dans une vidéo publiée en juillet 2020 sur YouTube, la société affirmait qu'elle comptait ouvrir « dans les deux prochaines années [...] 150 librairies Sydney Laurent qui distribueront principalement nos auteurs ». Las, l'enseigne a fermé ses portes après quelques mois d'activité, en abandonnant au passage les milliers d'ouvrages : comme le rapporte France 3 PACA, les 60 tonnes de livres ont été jetées à la benne par le propriétaire des murs, Paul Teboul, afin qu'il puisse relouer son local. Nous avons tenté de le joindre, sans succès.
Des auteurs dans le flou
Une façade rutilante, à l'instar de celle de la librairie de Saint-Laurent-du-Var, qui génère des déceptions. Depuis la liquidation judiciaire de Sydney Laurent, des milliers d'auteurs s'interrogent ainsi sur le devenir de leurs livres et, parfois, de leurs droits d'auteur.
Sous un article concernant le Fonds d'indemnisation pour le paiement des droits dus à l’auteur en cas de défaillance de son éditeur, plusieurs commentaires évoquent la structure : « Je me trouve dans cette situation actuellement avec la maison d’édition Sydney Laurent [...]. Complètement démunie… je me doute que financièrement il n’y a rien à récupérer d’un tel fiasco, suis-je libérée de facto du contrat signé avec eux ? », se questionne l'un d'entre eux.
A priori, ce fameux Fonds d'indemnisation ne pourrait rien pour les clients de Sydney Laurent ou d'autres sociétés similaires, puisqu'il ne couvre que les faillites des maisons d'édition. Nous avons contacté la Société des Gens de Lettres pour obtenir des précisions sur le Fonds et sommes en attente d'une réponse.
Sur les réseaux sociaux et au sein des forums spécialisés, comme Jeunes Écrivain·e·s, les questions et témoignages se multiplient : « Pour moi peu importe le préjudice financier mais j'aurais aimé connaître les ventes recensées par l'éditeur. Or, toujours rien malgré des relances de plusieurs d'entre nous. »
Deux auteurs ayant fait appel aux services de Sydney Laurent nous ont confirmé l'absence de réponses et d'informations, tant de la part de la société liquidée que du liquidateur. L'un a payé 750 € à Sydney Laurent à deux reprises, pour la production de deux livres, l'autre plus de 4000 € pour cinq ouvrages et la « réédition » d'un tome. Nous avons tenté de joindre le liquidateur, SCP BTSG², sans succès.
Différents noms, et des différends
Les problématiques des auteurs avec les services et échanges de Sydney Laurent ne datent pas d'hier. Agnès Quentin en a fait l'expérience : le 4 décembre 2013, elle signe un contrat avec la société 7 Écrit pour la fabrication, la diffusion et la promotion de son roman Un jour je me souvins 1812. Une édition à compte d'auteur, pour laquelle elle verse 4000 € d'acompte, en échange de 15 % de droits d'auteur sur les ventes de la version imprimée, et 30 % pour la version numérique, détaillait Le Parisien en 2016.
7 Écrit n'est autre que l'ancienne dénomination de Sydney Laurent Éditions, un changement validé en 2018 par les deux associés d'alors, Marc-Henry Solange déjà — qui se fait désigner comme Jean-Marc Fauré — et Olivier Boissy.
Sous ce précédent nom, 7 Écrit/Sydney Laurent est visé par une plainte d'Agnès Quentin, en 2016 : elle accuse la structure de ne pas lui avoir versé ses droits d'auteur, mais aussi de continuer à vendre son livre, malgré l'expiration du contrat de vente de 18 mois. Le 15 décembre 2017, 7 Écrit est condamnée pour « contrefaçon » par le tribunal de grande instance de Paris, et doit verser 2000 € de dommages et intérêts, et s'acquitter des frais d'avocat de l'autrice, selon Le Courrier Picard.
Sans surprise, le changement de nom pour « Sydney Laurent Éditions » survient peu de temps après la condamnation de 7 Écrit.
En octobre 2019, un nouveau changement de taille survient dans la vie de l'entreprise : sa présidence, jusqu'à présent assurée par la société Seternitat (basée à Andorre et elle-même présidée par Olivier Boissy), revient à Lionel Taes, par ailleurs gérant du Centre Littéraire d'Impression Provençal (CLIP), un imprimeur.
Contacté, ce dernier nous indique simplement que Sydney Laurent est en liquidation et qu'« un dépôt de plainte a été fait à l'encontre de Monsieur Marc-Henry Solange dit Jean-Marc Fauré », mais a refusé de répondre à d'autres questions. Quant à Marc-Henry Solange, nous n'avons pas été en mesure de le joindre, et les adresses mail liées à Sydney Laurent ne répondent plus.
Bientôt un an après la mise en liquidation de la société, les auteurs ont peu d'espoir de remettre la main sur des exemplaires ou leurs droits d'auteur. L'édition à compte d'auteur reste un secteur porteur, et les structures du groupe Nombre7, d'Edilivre à Publibook, ont d'ores et déjà envoyé des signaux aux écrivains lésés pour « publier » leurs livres, moyennant finances.
Photographie : illustration, BBC World Service, CC BY-NC 2.0
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14 Commentaires
Michel Mazon
07/03/2024 à 09:31
Les "éditions " à compte d'auteur sont de toute façon, et dès le départ, une escroquerie car c'est en fait "imprimeur" à compte d'auteur qu'il faudrait les appeler et encore compte d'auteur est en trop. Je ne comprends pas que le syndicat de l'édition (la vrais) ne porte pas plainte contre usurpation d'activité, et on verra toujours, grâce à ce système, des gens se faire escroqués tant le désir d'écrire et de se voir publié est fort.
Cyril Van Eeckhoutte
10/03/2024 à 14:04
Je vous retourne la question : en tant qu'éditeur, accepteriez-vous de travailler gratuitement avec la montagne de responsabilités qu'incombe l'édition d'un livre ?
Quand on fait appel à des prestataires de service, correction professionnelle, réalisation de la première et quatrième de couverture du livre papier, illustration(e) éventuelle(s), dossier de presse, tout cela a un coût.
Et tous les éditeurs n'ont pas, au sein de leur société, la possibilité de faire imprimer les livres de leurs auteurs, faute de temps ou par manque de personnel, ou tout simplement parce que cela ne fait pas partie de leur domaine de compétence.
En outre, imprimeur est un métier différent de celui d'éditeur.
Solzasco
07/03/2024 à 11:22
Ayant envoyé promener ce soi-disant éditeur qui m'avait adressé un contrat signé par eux, je peux vous assurer que vous passez à côté d'un autre sujet. En effet, cet éditeur se présentait avec toutes les apparences d'un éditeur travaillant à son compte, et non à compte d'auteur. Idem pour le contrat proprement dit. Puis il demandait une participation "pour la relecture et correction du manuscrit avant publication" (de 700 € je crois bien) et donnait une date pour la sortie du livre. Difficile de résister dans ces conditions... Notez que leurs ouvrages étaient distribués en France et bien connus des libraires, qui les présentaient parfois en vitrine, et pour qui cet éditeur ne travaillait pas à compte d'auteur mais était un éditeur traditionnel, dont les ouvrages étaient référencés et diffusés par les canaux habituels... Bref, contrairement à ce que votre article laisse entendre, les auteurs en question allaient chez Sydney Laurent parce qu'ils croyaient être publiés à compte d'éditeur. Et les auteurs en effet publiés en étaient /en sont probablement toujours convaincus. Voilà donc un autre aspect d'un vrai problème, qui caractérise mieux la situation toujours passée sous silence, d'auteurs désespérés, qui se sont ruinés à envoyer je ne sais combien d'exemplaires de leurs manuscrits - édités aux normes typo indiquées, imprimées à grand frais, envoyés en colis très onéreux quand nécessaire, déposés si possible pour les auteurs parisiens: une galère qui passe l'imagination et qu'il faut avoir vécue pour comprendre à quel point c'est destructeur. Le tout sur fond de lamentations d'éditeurs se plaignant de recevoir trop de manuscrits, qui ne répondent jamais à un envoi non sollicité: "si vous ne recevez pas de réponse d'ici trois mois sachez que votre manuscrit n'est pas retenu" et passez votre chemin, béotiens qui osez écrire sans appartenir au sérail et qui nous encombrez... Bref, parmi les reproches ô combien fondés adressés aux éditeurs blindés de thunes qui font en France la pluie et le beau temps tandis que les auteurs claquent du bec, on oubliera celui d'encourager les vocations.
Laura
07/03/2024 à 12:36
Vous avez entièrement raison: les éditeurs « sérieux » ont a présent adopte des procédés très méprisants envers les auteurs de manuscrits: ils sont devenus claniques, on se refile quelques auteurs entre soi, ou du moins l’on pioche beaucoup entre un groupe d’auteurs, leurs coinkoint.es et ami.es, il y a maintenant des sujets, des thématiques « à la mode », et le reste des auteurs sont très mal traités, avec un mépris total.
Les organismes de letterature et d’auteurs devraient y regarder de beaucoup plus près et y enquêter.
Thierry BECHIR
07/03/2024 à 21:28
Ancien auteur lésé par SL.
Vous oubliez de préciser dans cet article que les livres en question sont toujours en vente chez Amazon puisque la plateforme imprime les livres. Le pire, les auteurs ne touchent aucun droit sur ces ventes. Et il est impossible de faire retirer ces ouvrages de la plateforme.
Florence
08/03/2024 à 10:00
Oui exactement. Très préjudiciable car il en résulte une confusion pour les acheteurs , même si l’on a fait republier son livre , à moins d’avoir changé titre et couverture .
Amazon ne répond pas , j’ai renvoyé un courrier avec copie au liquidateur il y a quelques jours . Et commandé de nouveau mon propre livre « Sydney Laurent » sur Amazon pour tester , qui m’est arrivé en bonne et due forme , sic .
Cyril Van Eeckhoutte
10/03/2024 à 11:45
Bien sûr, vous avez raison, Thierry Bechir, puisque ce sont les distributeurs et diffuseurs de livres en librairies qui rémunèrent les éditeurs en se prenant une marge spécifiée dans le contrat de partenariat de diffusion/distribution qu'il a signé, en fonction des ventes réalisées dans ces dernières et, pour les livres numériques, sur leurs sites internet.
Et c'est à l'éditeur de rémunérer les auteurs à la date spécifiée dans le contrat d'édition.
Cela fonctionne aussi bien pour les livres numériques, que pour les livres papier, comme écrit ci-dessus.
Cyril Van Eeckhoutte
10/03/2024 à 13:49
(Dans l'idéal, c'est à la date anniversaire de la publication du livre.)
Cyril Van Eeckhoutte
08/03/2024 à 17:11
Ancien auteur publié à trois reprises aux Éditions Sydney Laurent, j'ai tout perdu (3 x 750 €.)
J'ai été contrait de devoir créer ma propre maison d'édition Les éditions du Solange en février 2020.
C'est sous ce nom que j'ai dû rééditer les trois premières parties de ma série littéraire « Tout un monde d'amour de la musique », devenue « Tout un monde d'amoureux de la musique », en 2023.
L'intrigue de cette passionnante série se passe au conservatoire d'Arras.
Voilà, j'ai vécu cette liquidation judiciaire comme une trahison, c'est d'ailleurs le titre du premier roman policier de mon autrice Élie Schwartz, à paraître le 22 mars 2024. Avec Les éditions du Solange.
Si vous voulez sauver vos écrits, que vous soyez un ancien auteur, une ancienne autrice publié(e) aux éditions Sydney Laurent.
Si vous avez eu la « chance » de pouvoir récupérer votre manuscrit corrigé au format Word et/ou pdf, nous pouvons vous proposer un contrat d'édition en prenant en considération le fait que vous ayez déjà été publié. (Nous pratiquons des prix dégressifs si, comme Élie Schwartz, vous avez la possibilité de nous fournir un livre « prêt-à-imprimer ». Bon, pour la couverture, il faudra la refaire en respectant l'identité de l'œuvre que vous avez écrite.)
Libre à vous de redonner vie aux écrits de vos rêves en leur offrant une nouvelle chance de se retrouver entre les mains de vos lecteurs et lectrices.
Si le cœur vous en dit,
Je vous donne mon adresse email : leseditionsdusolange@gmail.com.
Avec en objet : le titre de votre livre publié aux éditions Sydney Laurent.
Tous les genres littéraires sont acceptés.
Merci à vous pour votre confiance et à très bientôt !
Avec plaisir,
Cyril Van Eeckhoutte,
directeur général des éditions du Solange.
david07
08/03/2024 à 18:40
Bonjour. Vous êtes une maison d'édition à compte d'auteur ?
Cyril Van Eeckhoutte
10/03/2024 à 09:22
Bonjour David,
Oui, tout à fait.
Belle journée à vous.
Prenez bien soin de vous et de vos proches.
Bien cordialement,
Cyril Van Eeckhoutte,
directeur général des éditions du Solange.
Marie Anne Catry
19/03/2024 à 17:04
Bonjour
J'ai bien compris que l'on pouvait vous envoyer un livre édité chez Sydney Laurent ?
Edité en 2021, j'avais prévu de le présenter dans certaines librairies pour des commandes, malheureusement c'est impossible maintenant...
Que se passe t-il ensuite si vous recevez mon livre de 585 pages ?
Merci beaucoup pour votre réponse
Cyril Van Eeckhoutte
20/03/2024 à 20:16
Bonjour Marie Anne Catry !
Si vous m'envoyez votre livre, je vais vous envoyer une fiche autrice et un contrat d'édition, si vous souhaitez toujours le rééditer. Avec Les éditions du Solange.
Belle soirée à vous.
Bien cordialement,
Cyril Van Eeckhoutte
jen
16/04/2024 à 16:23
j ai publié mon autobiographie pour Sidney laurent en mai 2022, a l heure d aujourd'hui alors que cette maison d éditions est fermé je me rend compte que mon livre est toujours en vente sur amazon... vers qui puis je me tourner?